Au premier étage des Champs Libres, en ce mois de juin 2025, une ambiance inhabituelle règne au sein de l'exposition permanente L'affaire Dreyfus : Marie-Noëlle, régisseuse au musée retire d'une vitrine un exemplaire du journal L'Aurore, avec sa fameuse Une : J'accuse. Autour d'elle, l'espace est quasiment vide : les vitrines démontées, les bancs retirés. "Pour l'instant le journal retourne en réserve, mais dans un an, il sera de nouveau visible dans la nouvelle exposition".
Mais pourquoi le musée s'engage-t-il depuis déjà plusieurs décennies à porter la mémoire de cette affaire mondialement célèbre ? Et pourquoi créer une nouvelle exposition ?
Avec plus de 8000 objets, la collection du Musée de Bretagne liée à l'affaire Dreyfus est considérable : les premiers objets entrent au musée dès 1899, lors du procès en révision du Capitaine Alfred Dreyfus qui se tient alors à Rennes. Mais c'est l'engagement, quelques décennies plus tard, de la famille au côté du musée qui a réellement contribué à l'enrichissement de la collection.
Suite à la première exposition organisée par le musée dès 1973, des premiers échanges fructueux s'instaurent entre le musée et plusieurs membres de la famille Dreyfus. Échanges qui perdurent encore aujourd'hui. Jeanne Lévy, fille de Lucie et Alfred Dreyfus offre au musée, en 1978, plus de 4 500 items : cartes postales, photographies, dessins… dont certaines pièces uniques. Et surtout, un ensemble exceptionnel de lettres et télégrammes adressés à ses parents par des personnes du monde entier.

Retranscription de l'image
MADAME ET TRÈS COURAGEUSE ÉPOUSE,
C'est aujourd'hui même que part pour la France votre malheureux mari, sur le croiseur Sfax.
La population est joyeuse et la satisfaction se lit sur tous les visages.
L'énergie, l'indomptable volonté et la conscience sereine du plus grand martyr du siècle resteront un enseignement considérable pour l'humanité.
Dieu venant de le soustraire à l'erreur des uns, à l'injustice des autres, Monsieur Alfred DREYFUS aura longue vie, bonheur et prospérité.
Ainsi soit-il.
Typ. – H.Harmois, Cayenne.
Compléments sur cette image — Dans les collections : http://www.collections.musee-bretagne.fr/ark:/83011/FLMjo120075
France Beck, petite-fille de Mathieu Dreyfus (frère d'Alfred), réalise entre 1978 et 1994 pas moins de neuf dons, offrant ainsi au musée des photographies originales de grande qualité : portraits des parents d'Alfred Dreyfus, portraits de ses avocats, médailles, correspondance… Ginette Zivy, nièce de Mathieu Dreyfus confie quant à elle, la magnifique série d'estampes de Charles-Paul Renouard.

Compléments sur cette image — Dans les collections : http://www.collections.musee-bretagne.fr/ark:/83011/FLMjo134676 | Série complète sur Charles Paul Renouard dans les collections
D'autres dons extérieurs à la famille et plusieurs achats effectués par le musée viennent nourrir les collections au fil des années. L'institution poursuit son engagement pour continuer à parler de l'Affaire avec une série d'expositions temporaires, entre 1978 et 1999.
Pourquoi une nouvelle exposition au Musée de Bretagne ?
La constitution de ce fonds a vocation, dès les années 1970, à servir un projet d'exposition permanente. La ville de Rennes s'y s'engage et c'est en 2006, à l'ouverture des Champs Libres, que cet espace, conçu par Jean-Yves Veillard, directeur du musée, voit le jour.
Après 20 ans d'existence, cette exposition est amenée à évoluer. L'enjeu est de la rendre plus visible au cœur des Champs Libres et, en même temps, de renforcer la cohérence du parcours permanent du musée sur l'histoire de la Bretagne. Ce nouveau projet permettra de rendre plus compréhensible l’Affaire, pour permettre à chacun d’en saisir les véritables enjeux : ceux d’une confrontation entre vérité et mensonge d’État, justice et injustice, sans oublier, bien évidemment, la place de l’antisémitisme.
La nature même des collections offre aussi l'occasion de relier la ville de Rennes à l'Affaire : le procès, les lieux et les protagonistes rennais. Mais également de mieux valoriser l'histoire d'Alfred Dreyfus et de ses proches. Derrière l’Affaire, il y a aussi des hommes et des femmes, des enfants, une famille !

Compléments sur cette image — Dans les collections : http://www.collections.musee-bretagne.fr/ark:/83011/FLMjo118208
La scénographie, immersive, présentera, en plus de collections originales, des audiovisuels, des dispositifs de médiations pour appréhender le rôle central de la presse de façon ludique et un avec un parcours-enquête, travaillé spécifiquement avec des spécialistes des « serious games ».
Rendez-vous en juin 2026 ! En attendant, un certain nombre de ressources sont toujours disponibles sur ce site (interviews, collections en ligne et articles).
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