Chouette conférence : les femmes préhistoriques

Écrit par : Hélène Noël

Licence : CC BY-SA

Publié le : 21/05/25

Les femmes préhistoriques portaient-elles des chaussures à talon ? Et d'ailleurs, portaient-elles tout simplement des chaussures ?? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles Marylène Patou-Mathis, préhistorienne, répond aux petits et grands présents à cette Chouette conférence. Elle combat les idées reçues et nous explique pourquoi il est important de connaître et comprendre la vie de nos ancêtres préhistoriques.

Les chouettes conférences

Écouter le podcast

Vous pouvez écouter ce podcast sur Ausha ou bien directement sur cette page en acceptant les cookies du lecteur.

Pour information : la lecture de podcast consomme de l'énergie et génère une empreinte carbone importante. Pensez à l’environnement en limitant votre consommation numérique.

Les Chouettes conférences

Les Femmes préhistoriques

Hélène Noël

La 3e Chouette conférence de la saison accueille aux Champs libres, une spécialiste de la préhistoire, Marylène Patou Mathis. C'est une période entourée de nombreux clichés que Marylène va déconstruire au fil de la conférence. Elle nous explique pourquoi il est tout à fait pertinent d'en apprendre davantage sur cette période.

Marylène Patou Mathis, préhistorienne

Je m'appelle Marylène Patou Mathis, je suis préhistorienne. Je travaille comme directrice de recherche au CNRS, rattachée au Muséum national d'histoire naturelle à Paris. Donc j'ai à la fois un laboratoire, dans les murs de du Muséum et aussi à l'Institut de paléontologie humaine. Parce que mes recherches, consiste à travailler sur nos anciens, très lointains, très anciens ancêtres.

Je crois qu'aujourd'hui c'est vraiment très important de faire connaître à tout le monde, et en particulier aux enfants, la vie de nos ancêtres et surtout nos origines, parce que c'est de cela dont il s'agit. Et de montrer la diversité très tôt parmi les premiers humains et aussi le fait que nous sommes en fin de compte tous parents. Nous avons un ancêtre commun et après, évidemment, il y a eu des séparations, il est très important à faire de montrer que nous sommes tous liés.

Il n’y a pas de d'inférieur ni de supérieur. Non, en fin de compte, on a tous les mêmes origines et ça c'est très important. Quel que soit le continent sur lequel on est né, c'est vraiment pour moi quelque chose qui doit être presque enseigné, même à l'école. C'est très important.

Jessie Magana, autrice de livres pour la jeunesse

On parle de temps très très très anciens Marylène, moi j'ai un petit peu du mal à me repérer. Les humains dont on parle, les humains préhistoriques, est ce qu'ils vivaient en même temps que les dinosaures ?

M. Patou Mathis

Ah non. Il y a beaucoup de choses romancées dans la préhistoire. C'est à dire que l’on raconte des belles histoires. Mais ce n’est pas toujours vrai et nous non, on ne vivait absolument pas avec les dinosaures et ils ont disparu il y a 6 millions d'années.

Nous, en fin de compte, on est très jeunes puisque les plus anciens ils ont entre 7 et 8 millions d'années. Même si ça nous paraît loin, c'est quand même plus près de nous.

Et il y a eu beaucoup dans toute notre évolution, dans tous les différents humains jusqu'à nous Homo sapiens, il y a eu plein de lignées différentes. Il y a des lignées qui ont disparu comme la fameuse Lucie que vous connaissez, c’était un petit australopithèque. En fait, elle n’était pas sur notre branche. Ce n’est pas vraiment une ancêtre mais il y a eu tout un tas d'ancêtres qui ont mené jusqu'à Homo sapiens. Et ce qui est intéressant de voir, c'est que en même temps, contrairement à aujourd'hui, il y avait plusieurs espèces d'humains. Et par exemple, il y a eu en Europe, les et les Homo sapiens, les fameux Cro-Magnon en même temps pendant entre 10 et 12000 ans.

C'est différent bien sûr aujourd'hui, puisque nous sommes la seule espèce.

On dit « la préhistoire », mais en réalité c'est plein de sociétés préhistoriques et donc on essaie justement de regarder les différences, les similitudes qui entrent dans ces différentes sociétés. Au cours du temps, les changements, les changements d'apparence et aussi bien sûr de culture.

Parole d’enfant

« Quelle langue il parlait, les hommes préhistoriques »

J. Magana

« Ah ! quelle langue parlaient les hommes et les femmes préhistoriques ? »

M. Patou Mathis

« C'est une très bonne question. Parce que justement c'est quelque chose sur lequel les personnes réfléchissent, notamment les chercheurs. Probablement qu’il y avait déjà plusieurs langues différentes ou dialectes, en France, sûrement plusieurs dialectes différents. Mais toujours avec un socle commun. Mais on pense que les communautés s'éloignant les unes des autres au fur à mesure, ils commencent à migrer et à venir sur tous les continents. Mais il y a un débat sur l’existence ou non existe d’une langue mère. Une langue qui serait la racine de toutes les langues. Et là, ça se dispute. Il y a plusieurs écoles. Mais en tout cas ce qui est sûr les Cro-Magnon enfin les sapiens qui vivaient en Chine ne devaient pas comprendre ceux qui vivaient en France.

H. Noël

À cette époque, il régnait au cœur des villages préhistoriques une organisation savamment pensée. L'homme des cavernes était-il tout puissant ? ou régnait-il contre toute attente une certaine forme de parité ?

J. Magana

« On a toujours un peu cette image. Mais on appelle souvent les hommes préhistoriques ou les femmes préhistoriques, « les hommes des cavernes ». Alors, ils vivaient vraiment dans des grottes ?

M. Patou Mathis

« Alors ça, ça fait partie aussi des mythes. On a oublié la massue. Mais voilà, ça c'est le mythe de l'homme préhistorique. Une peau de bête, la massue. Et puis tient la femme par les cheveux et il est mis dans une grotte. Non, c'est, ce n’est absolument pas ça. Bien sûr, il vit dans les grottes, mais à l'entrée. Ils vivent dans les abris. Beaucoup, beaucoup d'abris.

C'est intéressant puisque vous avez le dos est protégé des prédateurs, du froid, et cetera, c'est plus facile.

Un abri sous roche. Et puis ils vivaient aussi beaucoup en plein air, souvent ils se mettaient près des points d'eau, parce qu'il y a des animaux qui vont boire et qui traversent. Donc, tout le type d'habitat était utilisé. Et L'aménagement de leur habitat était très sophistiqué, c'est à dire qu'en fin de compte, on a mis avec les fouilles en évidence qu’il y avait des lieux où l’on faisait par exemple la petite cuisine, autour du foyer, il y avait des lieux où on découpait la viande ou dépeçaient l'animal, des lieux où on taillait le silex, des lieux où on travaillait les poteries, et des lieux où on dormait. Donc on sait qu'il y avait de vrais espaces ou campements. Ce n’était comme ça, n’importe où ou n'importe comment.

Leur habitat était déjà extrêmement organisé. Et il y avait des palissades pour protéger l'entrée, enfin, il y a plein de choses. Et d'ailleurs, il y avait même aussi dans les grandes plaines de l'Europe centrale, jusqu'en Ukraine, comme il n’y avait pas beaucoup d'arbustes pour faire les cabanes par exemple, ils prenaient des os de mammouth et donc et ils récupéraient ces os pour faire les armatures. Donc, vous voyez aussi l'intelligence, il faisait déjà de la récupération.

J. Magana

Comment était organisée cette société ?

M. Patou Mathis

« Alors donc d'après ce qu'on a pu calculer avec justement toutes ces habitations, ils étaient à peu près entre 5, 30 et 50. Donc ils formaient des clans. Et sur un territoire assez vaste, ils échangent, dans ce système de petits clans, dans une société qui apparemment n’était pas du tout hiérarchisée. Il n’y a pas de chef. On n’a pas de preuve de ça, notamment on n'a pas trouvé ce qu'on appelle « les tombes pauvres ». Ni de campements plus riches ou de campements plus pauvres. Ce n’était pas une société qui reposait sur une construction pyramidale.

On s'oriente plutôt vers une façon de vivre. Et c'est un système qui a bien marché, c'est le fait de baser leur activité sur les compétences de chacun, c’est-à-dire : « toi tu sais faire le feu, toi tu sais faire la chasse, et toi tu sais mieux peindre … » Donc on a une répartition plutôt sur en fonction des compétences. Qu’en fonction de l'âge ou en fonction du sexe. C'est quelque chose qui maintenant commence à être assez clair parce qu’on ne voit rien du tout qui montre un système équivalent au nôtre. Parce que c'est un peu notre défaut. On croit que ça a toujours été comme nous. Ben non. »

Parole d’enfant

« Mais comment ils fabriquent les chaussures ? »

M. Patou Mathis

« Ah, c'est une très bonne question. Parce que justement on s'interrogeait, on savait qu'il y avait des vêtements et parce qu'on a trouvé les traces de récupération des peaux, du travail, … Mais on se disait, est ce qu'il y avait des chaussures ? Probablement qu’on n’en n'avait pas la certitude mais on s'est aperçu de traces de pas qui étaient conservées et en fin de compte qui montraient qu’il y avait des pieds chaussés donc ils avaient des chaussures. »

J. Magana

« Est ce qu'il y avait des talons hauts ? » Rires

M. Patou Mathis

« Et non, il n’y avait pas de talons à aiguilles Et probablement que les chaussures ressemblaient un petit peu aux mocassins des Indiens d’Amérique du Nord. Donc, pour protéger le pied, Et là, les traces de pas avec ce qu'on appelle « les pieds chaussés », ça c'était même déjà à l’époque des Néandertal, puisqu’en Normandie, là sur la plage de Roselle, on a trouvé beaucoup de traces de pas. Il y en a qui sont pieds nus dans le sable. Il y en a aussi. Étaient chaussées. D'accord. Bon, il y avait bien des chaussures.

J. Magana

Et est-ce qu’ils vivaient au même endroit tout l’année ? Est-ce qu’ils se déplaçaient ? Comment cela se passait concrètement ?

M Patou Mathis

« C'est pour ça qu'on les appelle cette période-là, la période du « paléolithique ». Et nous Là, on parle du « du paléolithique supérieur ». En fin de compte, il y a deux grandes saisons, il y a une saison qui est plus importante, la saison hivernale et puis une plus courte, la saison estivale et c'est là qu'ils migrent. Donc nous sommes des « chasseurs cueilleurs nomades » mais c'est un nomadisme saisonnier, c’est-à-dire deux déplacements dans l'année.

Quand il fait plus froid, ils vont vers le sud, et quand il fait plus chaud, mais ils vont vers le nord, parce qu'ils font comme les animaux.

Enfin de compte, on n'a pas tout créé, on n'a pas tout inventé. Nous ne sommes pas des êtres supérieurs parce que c’est nous qui vivons actuellement. C'est grâce aussi à tout ce qu'on fait nos prédécesseurs, nos ancêtres. Ils ont inventé plein de choses, ils ont inventé les premiers outils, ils ont inventé le feu, ils ont inventé les premières habitations. C'est eux qui ont fait tout ça et en plus c'était de merveilleux artistes.

H. Noël

Les Chouettes conférences, un podcast réalisé par Hélène Noël et produit par Les Champs Libres

Animé par Jessie Magana, autrice de livres pour la jeunesse,

Avec la participation de Marylène Patou Mathis, préhistorienne.

Retrouvez tous les podcasts Chouette conférence sur le site des Champs Libres https://leschampslibres.fr

Naviguer par sujets

Flux RSS

Abonnez-vous au flux RSS de la rubrique "À entendre" pour être avertis des derniers articles.

Parcourir tous les flux RSS